Jg 9, 8-15

L’apologie de Yotam

 

 

8.  Un jour les arbres se mirent en chemin pour oindre un roi qui régnerait sur eux. Ils dirent à l'olivier : «Sois notre roi! »
9.  L'olivier leur répondit : «Faudra-t-il que je renonce à mon huile, qui rend honneur aux dieux et aux hommes, pour aller me balancer au-dessus des arbres?»
10.  Alors les arbres dirent au figuier : «Viens, toi, sois notre roi! »
 11.  Le figuier leur répondit : «Faudra-t-il que je renonce à ma douceur et à mon excellent fruit, pour aller me balancer au-dessus des arbres ?»
12.  Les arbres dirent alors à la vigne : «Viens, toi, sois notre roi! »
13.  La vigne leur répondit : «Faudra-t-il que je renonce à mon vin, qui réjouit les dieux et les hommes, pour aller me balancer au-dessus des arbres ?»
14.  Tous les arbres dirent alors au buisson d'épines : «Viens, toi, sois notre roi!»
15.  Et le buisson d'épines répondit aux arbres : «Si c'est de bonne foi que vous m'oignez pour régner sur vous, venez vous abriter sous mon ombre. Sinon un feu sortira du buisson d'épines et il dévorera les cèdres du Liban! »



Ce texte est une apologie, c’est-à-dire un récit, rédigé en vers ou en prose, qui renferme des enseignements ayant une intention moralisatrice.
L’apologie de Yotam est une parabole qui décrit les progrès rapides et effrayants du déclin.
Yotam, le seul rescapé de la maison de Gédéon, est chargé par Dieu d'apporter une parole prophétique.


 

Gédéon avait autrefois sagement refusé pour lui et son fils la fonction qui lui était proposée, mais par la suite, ayant donné un fils (Abimélek) à sa concubine, celui-ci, par ruse et par violence s'empare du pouvoir.
Yotam, le plus jeune des fils de Gédéon, seul réchappé du massacre de Sichem, n'a pas peur de dire la vérité, chargé par Dieu de rendre témoignage.


Les peuples de l'Orient sont amateurs de paraboles ; ils s'en servent pour adresser des reproches qu'ils ne pourraient formuler directement.
Dans le contexte de cet Apologue, Abimélek est déjà roi et l’on ne s’adresse pas impunément à un roi surtout pour lui faire des critiques de cette ampleur.
Par la voix de Yotam et par sa fable qu’entend toute une ville, Dieu dicte le cours de l'histoire.

 

Les personnages de l’apologue de Yotam ne sont pas des êtres humains mais des arbres. Il faut voir dans cette parabole concernant la situation actuelle d’Israël ce qu’est devenu son peuple. Puisqu’il  méprise par son action la vie humaine, il a cessé d'être constitué d’hommes. Ils ne seront donc plus décrits alors comme des humains, ni même comme des animaux,  mais  représentés par des végétaux, ce qui en dit long sur leur régression spirituelle à la fois aux yeux de Yotam et de ceux de Yahvé.


Le récit commence par « un jour ». Il n’est donc pas inscrit dans le temps de manière figée. Il est placé à une époque plus ou moins proche, lorsque le peuple n’aura plus de roi acceptant de régner sur lui.

Contre toute attente, c’est à un arbre que le peuple demande de prendre cette fonction, sans doute parce qu’aucun homme ne voudra plus accepter de régner sur un peuple impie, désordonné, déshumanisé.

Les 3 arbres refusent tous pour des raisons à la fois personnelles (ne pas avoir à faire autre chose que ce qu’ils ont déjà à faire et qui leur semble bon : produire des fruits) mais aussi matérielles et existentielles (renoncer au rôle important qui leur est confié et qui leur confère un confort certain et une situation honorable au profit d’une autre qui sera instable (osciller, balancer, agiter))

Le buisson d’épines, qui semble t-il est encore moins apte que les autres à régner sur le peuple, accepte de devenir roi non sans perfidie (venez vous abriter sous mon ombre : il faut entendre là, venez vous abaisser, vous asservir) à la condition que ce soit de « bonne foi », c’est-à-dire que le peuple le choisisse délibérément et librement (ce qui ne sera pas le cas) et que le buisson lui-même le soit (ce qui ne sera pas non plus le cas), sinon tous périront dans les flammes (le buisson, le peuple et tout ce qui les entoure figuré par les cèdres du Liban).



L’olivier, le figuier, la vigne, répondent tous trois par la phrase suivante : « Faudra-t-il que je renonce … pour aller me balancer au-dessus des arbres ?». Ces trois arbres envisagent leur règne en se plaçant au-dessus du peuple, dans une idée de devenir son chef, en l’invitant à se mettre à l’abri de leurs feuillages. Alors que le buisson seul répond: « venez vous abriter sous mon ombre. », dans l’idée que le peuple doit se plier sous leur chef en signe de soumission voir d’esclavage.

Avec sarcasme, Yotam annonce que celui qui a fait confiance à un menteur ne peut être que trompé. Rejeter les humbles qui refusent de se mettre en avant et accepter le pire des orgueilleux peut annoncer la suite des événements: tôt ou tard, le méchant chef et ses méchants alliés finiront par se tromper les uns les autres. Le feu sortira du buisson d'épines et dévorera les cèdres du Liban (Jg 9.15).
Sous mon ombre. C'est ironiquement que Yotam met ces mots dans la bouche du buisson d'épines, qui ne donne aucune ombre. Par contre il s'enflamme facilement et peut mettre le feu à une forêt de cèdres. Le cèdre étant le symbole de l’union et de la fécondation.

N'ayant pourtant aucune des qualités requises pour gouverner, le buisson a accepté de régner sur les arbres. En fait, d'après l'histoire des Juges, celui qui a pris le pouvoir est un assassin qui vient de faire éliminer ses soixante-dix frères, ceux-ci barrant le chemin de ses ambitions démesurées.

A l’opposé du buisson qui s’est sous l’impulsion divine embrasé devant Noé, représentant la parole de Yahvé, le buisson d’épines dans cet apologue de Yotam, reprend à son compte cette parabole bien connue du peuple hébreux afin de lui signifier qu’il est lui-même rempli du pouvoir de Dieu alors qu’il n’en est rien, et détourne de ce fait l’action de Yahvé qui donnait l’espérance à un peuple de le sauver, en proférant des menaces contre ce même peuple de l’anéantir par le feu s’il le choisit pour roi.
Ce buisson rabougri, desséché et épineux, poussant dans la désolation prévient qu'il veut des sujets dociles et que ceux qui le contesteront, aussi puissants que les cèdres du Liban soient ils, ils seront brûlés et anéantis.

 

Figure des arbres :

Le rassemblement de trois arbres fruitiers, représentés par leurs fruits, est lié au sens immédiat de fécondité et de prospérité, du fait de la multitude de  pépins ou de noyaux qu’ils renferment. La notion de travail s’inscrit également, notamment pour l’Olivier et la Vigne, car pour obtenir l’huile et le vin, cela nécessite de la part de l’homme une transformation du fruit offert par Dieu en « matière » pour l’homme.  Ainsi ces cultures dépendent à la fois du travail attentif et ingénieux de l'homme et du rythme des saisons, donc du bon vouloir de Dieu.


L’Olivier
L’olivier est souvent cité dans la Bible. L’épisode le plus connu concerne le rameau d'olivier que la colombe de Noé tient dans son bec, marquant la fin du déluge et symbolisant le pardon de Dieu et la paix.
Par ailleurs, dans la nuit qui précéda son arrestation, Jésus choisit le Mont des Oliviers pour se recueillir et prier. Le sacrifice est ainsi une notion symbolique de l’olivier.
C’est un olivier, accompagné d'un cyprès et d'un cèdre, qui surgit des cendres d'Adam.
Après sa vision de l'échelle céleste, Jacob enduisit d'huile d'olive la pierre de Beth-El.
Les notions symboliques de l’olivier dans la religion chrétienne sont la paix, la réconciliation, la bénédiction et le sacrifice.
Dans ce récit, l’Olivier lui-même parle de son huile : L'onction à l'huile d'olive, dans une fonction sacralisante, est souvent utilisée dans les rites religieux. L’huile correspond à l’onction (lat. unctio, de ungere, oindre) geste liturgique consistant en une application d'une huile sainte sur une personne ou sur une chose) et à la puissance de l’Esprit Saint par laquelle Dieu et les hommes sont honorés.

Le figuier
Le figuier apparaît près d’une cinquantaine de fois dans la Bible.
La tradition a fait du figuier l’arbre par excellence de la connaissance et de la recherche de Dieu. Cela est dû au fait qu’il étendait très largement ses branches et permettait à l’homme de se reposer à l’ombre et d’y étudier les textes de l’Écriture.
Le figuier est cité dès la première page de la Bible, ses feuilles servant à confectionner des ceintures.
Sa présence et sa prospérité sont le signe de la faveur divine, tandis que sa destruction tient une grande place dans les menaces des prophètes.

La vigne
La Bible mentionne pour la première fois le vin et la viticulture dans le livre de la Genèse.  A l'époque des Patriarches, le vin était une boisson bien connue. La Palestine est même réputée comme un Pays producteur de vin, son climat se prêtant fort bien à la culture de la vigne.
Le mot « vigne » revient 176 fois dans la Bible : c'est dire son importance symbolique. Par exemple, le signe fondamental de la célébration eucharistique est celui du repas. Le pain et le vin, qui deviendront Corps et Sang du Christ.
La vigne représente Israël dans l’Ancien Testament.

Ces arbres florissant désignent la prospérité d'Israël. Desséchés, ils désignent sa détresse. Du figuier, de l’olivier ou de la vigne, c’est-à-dire de son peuple, Dieu attend le bon fruit.

 

 

Murdarco

Muriel Roland Darcourt

Théologie - L'Apologue de Yotam

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Théologie : L'Apologue de Yotam
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